Déficit de production électrique, travaux de maintenance et saturation du réseau d’électricité plongent le Cameroun dans le noir.
Ces derniers jours, Eneo, le concessionnaire du service public de l’électricité du Cameroun, a rétabli l’électricité dans le pays. Dans presque toutes les grandes villes du Cameroun, des communautés entières ont été privées d’électricité pendant des heures ou toute la journée. La situation dans les campagnes est plus préoccupante.
« L’ensemble du système électrique, dans sa production, son transport et sa distribution, est confronté à des contraintes. Cela conduit à des pénuries d’énergie, qui sont exacerbées par deux facteurs principaux : la saturation du réseau de transport ainsi que les travaux de maintenances », a explique la compagnie en charge de commercialisation de l’électricité au Cameroun. On peut également lire dans le communiqué que certaines centrales ont des contraintes de production, qu’elles soient dues à la maintenance, aux contraintes d’approvisionnement en combustible ou dues aux faibles niveaux d’eau.
Avec plus de détail, apprend-on de sources autorisées, le barrage de Memve’ele (région du Sud), qui ne débitait jusqu’ici qu’environ 90 MW sur les 211 MW attendus depuis bientôt 5 ans, a vu sa production chuter de façon drastique (35 MW) ces dernières semaines, en raison des contraintes hydrologiques consécutives à la rudesse de la saison sèche. Selon les prévisions des opérateurs du secteur de l’électricité, cette perte de 55 MW ne pourra pas être résorbée avant la mi-mars (début de la saison des pluies), voire le début du mois d’avril 2022.
Instructions gouvernementales
Entre-temps, nous avons appris de sources proches du dossier que les groupes de la centrale électrique à gaz de Kribi dans la région Littoral ne produit qu’environ 160 MW d’électricité, alors que la capacité extensible est de 216 MW. On comprend que la production de la centrale, contrôlée par le producteur d’électricité indépendant Globeleq Africa, contrôlé par le fonds d’investissement britannique Actis, d’environ 56 mégawatts, a chuté en raison de travaux de maintenance des équipements.
Or, comment programmer la maintenance de cette infrastructure énergétique critique à des niveaux d’étiage, période caractérisée par une baisse du niveau des barrages, dont le corollaire est une baisse du rendement des centrales hydroélectriques.
« Pendant la Coupe d’Afrique des nations de football, outre l’instruction gouvernementale de réduire la consommation des industriels pour permettre d’alimenter les ménages en énergie, il y avait également l’instruction de ne pas opérer des actions de maintenance, ni en production, ni en transport et encore moins en distribution, pour ne pas perturber le service pendant la compétition. Maintenant, il est question pour les opérateurs de rattraper leurs objectifs de maintenance annuels, dans un contexte où les prestataires étrangers chargés d’effectuer ces travaux n’étaient pas mobilisables au plus fort de la pandémie du Covid-19 », explique une source proche du dossier.
Connexions frauduleuses
Du fait de la concurrence, le réseau camerounais a perdu au moins 110 mégawatts de capacité en combinant les travaux de maintenance en cours à la centrale à gaz de Kribi avec des problèmes hydrologiques sur le fleuve Ntem, qui réduisent la production du barrage de Memve’ele. La facture est plus salée en raison de la saturation du réseau de transport, qui s’est effondré à plusieurs reprises en 2021 en raison de la vétusté des équipements. Pour pallier cette saturation, la Société nationale d’électricité (Sonatrel) a récemment acquis une vingtaine de transformateurs, apprend-on de bonnes sources.
Cependant, après des tentatives infructueuses d’installation des équipements, des sources autorisées ont révélé que Sonatrel s’apprêtait à renvoyer les transformateurs au fournisseur, car un défaut de fabrication y a finalement été découvert. Un expert du secteur de l’électricité a souligné que cela signifie que le réseau de transport national ne retrouvera pas de sitôt une certaine stabilité.
A tous ces écueils préjudiciables aux ménages et autres entreprises, dont les activités tournent désormais au ralenti, il faut ajouter, apprend-on, le rationnement du combustible destiné à l’approvisionnement des centrales thermiques, et « une augmentation subite de la demande d’électricité du fait des connexions frauduleuses au réseau », précise l’électricien Eneo.