FinInvest examine les principaux éléments de la loi de finances votée par le Parlement et promulguée par le Président de la République du Cameroun le 16 décembre 2022. Déjà nous pouvons noter que les importations d’équipements et d’intrants pour l’agriculture, l’aquaculture et les produits pharmaceutiques sont totalement exonérées de droits et taxes ; la production locale dans les zones clés est exonérée de taxes, soutenant la production ; augmentant les charges fiscales et optimisant le niveau de mobilisation des ressources internes non pétrolières ; Blocage des importations… sont autant de mesures prises par le Gouvernement.
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I. Des mesures pour soutenir la production locale
Le gouvernement vise à atteindre un budget équilibré en ressources et en emploi de 5 762,4 milliards de FCFA en 2022. Par rapport à 5.480,4 milliards en 2021, ce budget est en augmentation de 282 milliards soit 5,1%. Les principales prévisions macroéconomiques supposent un taux de croissance de 4,2 % et une inflation de 2 %, contre une estimation de 2,4 % en 2021. Ces prévisions reposent sur plusieurs hypothèses, à savoir :
- Contrôle relatif de la pandémie de Covid-19 ;
- L’impact positif de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2021 ;
- Atténuer les problèmes de sécurité.

Pour contrôler l’inflation, le gouvernement s’est concentré sur l’amélioration de l’offre de biens de consommation locaux et l’assainissement du marché intérieur.
II. Innovations fiscales
Loi fiscale en 2022, réduisant la pression fiscale de 11,3% du PIB en 2021 à 12,1% du PIB, soit un effort fiscal de 0,8% de certaines nouvelles mesures de base. Pour les pouvoirs publics, cette politique relève davantage d’une volonté de renforcer la mobilisation interne des recettes non pétrolières. C’est loin d’être une bonne nouvelle pour les contribuables. Mais compte tenu des innovations contenues dans la loi de finances, cette « médecine amère » devrait être prise sans difficulté. Ceux-ci inclus :
- les taxe sur les envois de 0,2 % et taxe de retrait de 0,1 % sur les envois de fonds ;
- Confirmation de l’impôt spécial sur le revenu de 3 % sur les commissions versées aux sociétés de transfert d’argent étrangères ;
- Réduire le taux de l’impôt sur le revenu (TSR) sur les rémunérations versées aux entrepreneurs de la commande publique domiciliés à l’étranger de 5% à 3% ;
- Réduire la part des droits d’enregistrement pour les transferts massifs de droits sociaux de 15 % à 5 % ;
- Simplifier la fiscalité des revenus fonciers en imposant une taxe d’émission de 10 % sur les loyers perçus des locataires non professionnels…
Par ailleurs, le texte prévoit la suppression de certaines dérogations temporaires mises en place pour atténuer l’impact de la pandémie, comme la décision de CBAC d’interdire les distributions de dividendes dans les banques. Grâce à ces innovations, le gouvernement prévoit de porter l’assiette des recettes fiscales et douanières à 3 088,7 milliards de yuans au cours du prochain exercice, soit une augmentation de 12,6 %.
II. Incitations pour doper la production locale
Avec la survenue de la pandémie du coronavirus, le secteur privé fait face à la hausse généralisée des cours mondiaux des matières premières (Clinker, blé…) et l’explosion du fret maritime. Dans une récente sortie, le Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), sollicite des mesures d’atténuation du gouvernement faute de quoi les entreprises menacent de suspendre leurs importations. Le moins qu’on puisse dire c’est que le gouvernement n’est pas resté insensible à cette situation et entend poursuivre la mise en œuvre de sa politique d’import-substitution annoncée il y’a un an. Par exemple, pour optimiser l’offre agricole d’une part et celle des produits de l’élevage d’autres part, il envisage une exonération totale des droits et taxes de douane sur les serres destinées à l’agriculture, les semences végétales et animales améliorées, les vaccins pour la médecine humaine et animale, les médicaments à usage vétérinaire.
Exonération totale également des droits et taxes de douane à l’importation d’équipements, matériels et outils, non disponibles localement, utilisés dans le cadre de la transformation plus poussée du bois. Pour ce secteur précisément, il est prévu un relèvement du taux du droit de sortie applicable aux bois exportés sous forme de grumes (billes de bois) de 35 % à 50 %, afin d’encourager la transformation locale du bois et limiter la déforestation.
Toujours dans l’optique de promouvoir le made in Cameroun, le gouvernement va effectuer une soumission de certains biens importés au droit d’accises ad valorem dont l’offre locale est suffisante ou présentant des externalités négatives. Il s’agit notamment du thé, du café, des fruits comestibles, du poivre, du piment, et des viandes porcines, bovines, ovines et caprines.

III. Rationalisation de la parafiscalité
Toujours dans l’optique d’optimiser la collecte de ses recettes, il est prévu d’associer davantage certains organismes publics affichant des niveaux de recettes supérieurs à leurs besoins réels, à l’effort de consolidation budgétaire, à travers le plafonnement des taxes qui leurs sont affectées. Les excédents de recettes ainsi dégagés par rapport aux plafonds fixés seront reversés dans le compte unique du trésor pour soutenir les dépenses du budget de l’Etat. Sont concernés par cette mesure, l’Agence de Régulation du Secteur de l’Electricité (Arsel), l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART), l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (Antic), et la Cameroon Civil Aviation Authority (Ccaa).
Égalité des sexes
Comme autre innovation de la loi de finances 2022, apprend-t-on, un annexe spécifique consacrée à la budgétisation sous le prisme du genre a été introduite. Le premier Document budgétaire Sensible au Genre annexé à la loi de finances est articulé autour de huit (08) départements ministériels pilotes dont les noms n’ont pas été révélés. Le nombre ira de manière progressive et vise sur le long terme la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, les filles et garçons, en établissant les liens essentiels entre les politiques mises en route et les allocations budgétaires conséquentes. « Son objectif est de présenter les efforts déployés par le Gouvernement pour promouvoir l’égalité des sexes et leur impact sur la population ; ce qui devrait permettre d’améliorer dans les administrations au fil des années, la part du budget consacrée à la réduction des inégalités de Genre » peut-on lire.
IV. Déficit budgétaire
Les dépenses du budget général s’établissent à 5609, 7 milliards ; composés par grandes masses des dépenses courantes (2 655,4 milliards), les dépenses en capital (1 479 milliards) et le remboursement de la dette publique (1 475,3 milliards). La hausse de 13% des dépenses courantes est principalement due à la prise en charge par l’Etat de nouveaux recrutements de nouveaux personnels à la fonction publique et dans les forces de l’ordre. Quant à la dette publique, les intérêts devraient augmenter de 49,4 milliards passant de 190,2 milliards en 2021 à 239,6 milliards en 2022. Une augmentation qui est due au fait de la reprise du paiement en 2022 du service de la dette extérieure, allégé en 2020 et 2021 dans le cadre de l’initiative de suspension du service de la dette extérieure du G20 (ISSD). Le déficit budgétaire global qui résulte de l’évaluation des recettes et des dépenses ci-dessus s’établit à 538,8 milliards de FCFA, correspondant ainsi à un niveau d’ajustement de 1,1% du PIB dudit déficit par rapport à 2021. A côté du besoin de financement induit par le déficit budgétaire en 2022, le Gouvernement doit également couvrir les autres charges de financement et de trésorerie, d’un montant de FCFA 1 235,7 milliards. Pour financer lesdits besoins qui se chiffrent globalement à FCFA 1 774,5 milliards, le gouvernement entend recourir à divers instruments notamment les tirages sur prêts-projets (746,5 milliards), les émissions des titres publics (350 milliards) ; le financement bancaire (184 milliards), les appuis budgétaires (389 milliards), les tirages DTS (70 milliards) et les fonds de concours de la banque mondiale (35 milliards).